Lise et Bertrand Jousset, vignerons à Montlouis-sur-Loire, posent ici et aujourd’hui le premier jalon d’une histoire faite de plusieurs histoires… Celle d’un groupe de passionné(e)s lancés comme eux dans la construction d’un patrimoine dédié au vivant et au vin « droit ». De mois en mois, au fil des portraits, découvrez de quelle manière ils donnent de nouveaux contours à un territoire autant géographique que culturel !
Tout a commencé par une phrase lâchée négligemment à table, à l’abri du soleil d’août finissant. Lise et Bertrand Jousset, vignerons bio à Montlouis-sur-Loire l’ont posé entre deux bouchées de pain huilé d’un chant d’olives grecques. Quelques années plus tôt, quand ils se glissèrent dans leur nouvelle vie de vignerons, d’autres, comme eux, avec la même exigence, ont jeté l’ancre sur ces vagues de silex et d’argile dédiées au grand Chenin de Loire.
Tous ces passionnés du vivant se sont alors rapidement reconnus, soutenus aussi. Une confrérie invisible en somme qui, en ne lâchant pas un centimètre de terrain sur la qualité, focalise de nouveau l’attention des chercheurs de pépites de Paris à Java, en passant par New-York. Avec le soutien de « locaux » comme François Chidaine et Jacky Blot. Le réseau « copains et chenin » était né. Des néo-ruraux souvent installés hors du cadre familial et pour certains « sans le sou ». Autre dénominateur commun : l’amour du vin. Très vite commencent les prêts de matériel, le travail partagé, voire l’échange d’équipe « en cas de trou »… sans oublier, cela va sans dire, beaucoup de fêtes et de tournées de cave.
Mais revenons à nos vignerons : les Jousset ont allumé la mèche. Ils seront donc les premiers à passer par la boîte à questions pour nous convaincre qu’il y a là plus qu’une brève de tuffeau… Et puisque c’est un jeu, à eux aussi de nous recommander le suivant… ou la suivante. Ce sera Frantz Saumon qui nous confie un flacon de son choix : un magnum de chenin estampillé 2014 très iodé et agréablement signé d’une légère réduction. « Une cuvée emblématique du cépage », conclut Bertrand Jousset, péremptoire et, comme Lise, très respectueux du résultat.
Pour le couple, Frantz Saumon est un « acteur majeur de l’appellation : il a fait beaucoup pour la qualité, pour le travail de la vigne, la vinification et le retour de l’appellation à l’international… ». Parachuté de son Berry sur Montlouis deux ans avant ces derniers, le vigneron est un paysan dans lequel les Jousset se sont immédiatement reconnus. « Quand tu débutes, tu te poses plein de questions sur la qualité, la politique tarifaire, commerciale… Il a été le seul à répondre sans filet, à bâton rompu et en totale confiance. »
Les années passent et se pose l’âpre question de la survie du domaine. « Entre 2012 et 2017, nous avons gelé quatre fois » se souvient Lise. La solution prendra la forme d’un « négoce paysan », d’ailleurs avec l’ami Frantz.
Le bouche à oreille les mettra sur la piste de vignerons bio du Sud partageant leur philosophie et acceptant de leur vendre une partie de leur récolte : du gamay de Gaillac, du colombard du Gers, et du muscat de Perpignan. Elle est vendangée par Bertrand et Lise avec la même rigueur qu’en Touraine.
Il y aura donc deux domaines en un chez les Jousset : celui des vins du cru et celui, allez, j’ose, des quilles du « cuit » (origine méridionale oblige…). Les Exilés étaient nés. Ces raisins manquant dans leurs propres vignes sont arrachés à leur terre natale et vinifiés à Montlouis.
Tel ce Mosquito 2016 dont les 10 % de chenin ligérien ont succombé au charme oriental du muscat d’Alexandrie. Son pétillant naturel est rond, aromatique et sacrément gourmand.
Au domaine, la production locale est majoritairement inféodée au chenin, voire à 1 ha de chardonnay (Les Audouines). Un autre hectare de gamay et grolleau accouche d’un « Rose à lies » (comprenez un pet’nat’ rosé) très bien élevé, donc dans le respect du fruit. « Nos blancs sont vinifiés en barriques durant 8 à 10 mois, les rouges en macération carbonique », explique Bertrand. Ajoutons qu’ici, les levures sont indigènes. Exclusivement. Et les 120 barriques voient leur origine, leur taille et leur âge allègrement mélangés pour éviter de boiser les vins.
« Le soufre et le cuivre sont les deux derniers produits qui perturbent mes vins. Notre but ultime, des vins droits, donc sans soufre. J’en ajoute parfois sur le jus et à la mise en bouteille, un ou deux grammes. Quant au cuivre, malheureusement, j’ai peu d’espoir de le supprimer. »
Pour l’heure, la diversification continue. Leur très gourmand bar à vins - un des rares, pour l’heure, a avoir été implanté dans un domaine - ouvrira de nouveau ses portes à l’été « pour vous faire boire et manger comme on aime. » Et si vous êtes patients, vous verrez peut-être, un jour prochain, pousser par chez eux quelques rangs de romorantin….
Texte : Patrick Chateau
Photographies ©Emilie Boillot
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