Si les monuments de pierre sont considérés d'éternité, il leur arrive parfois d'avoir besoin d'un petit coup de pouce pour continuer à braver les affres du temps. Le château d'Azay-le-Rideau n'échappe pas à la règle. Ce joyau de la Renaissance Française, tant admiré par Honoré de Balzac, vient de bénéficier d'une campagne de restauration et d'aménagement des plus spectaculaires. Grâce à ce que l'on nomme "le chantier du siècle", tout juste achevé, le château et son parc retrouvent enfin tout leur lustre d'antan. Ce "diamant" n'a donc pas fini de briller dans le regard des gens ni de contribuer au rayonnement de la Touraine et plus largement, de la France.
La renaissance d'un monument vieux de cinq siècles
Cinq cents ans d'histoire sont à peine suffisants pour évoquer le passé de ce château d'Azay-le-rideau. Ce célèbre monument évoqué par Honoré de Balzac comme étant un "diamant taillé à facettes serti par l'Indre, monté sur pilotis, masqué de fleurs" est aujourd'hui une destination incontournable du Val de Loire. Ce fleuron de l'architecture Renaissance, voulu par Gilles Berthelot, trésorier du roi François Ier, et parachevé par la famille Biencourt, au XIXe siècle, commençait sérieusement à montrer des signes de faiblesse. Le Centre des Monuments Nationaux (CMN) qui gère le site a donc engagé un vaste programme de restauration et de mise en valeur, étalé sur quatre années environ. Il était question d'offrir une seconde jeunesse à ce joyau afin qu'il traverse encore de nombreux siècles. A cette occasion, d'importants travaux de restauration des façades, des toitures et de la charpente ont été engagés.
Le parc romantique lui aussi restauré
Que serait le château d'Azay-le-Rideau sans son écrin de verdure et son miroir d'eau? Il apparaît en effet impossible d'évoquer ce site sans prendre en compte le lien intime qui existe entre le monument et son paysage. Le vaste chantier qui vient de prendre fin incluait également la restauration du parc orchestrée par l'Architecte en chef des Monuments Historiques. Depuis 2014, d'importants travaux de mise en valeur ont été effectués afin de redonner tout son lustre à cet espace paysager. Dans un premier temps, un curage a été effectué dans les deux miroirs. Les arbres malades ou affaiblis ont été abattus et d'autres élagués. Pour assurer l'avenir, de jeunes arbres ont été plantés. Puis, les allées ont été re-dessinées, des milliers de vivaces et de bulbes ont été plantés et de nouveaux massifs sont venus agrémenter l'espace. Une nouvelle signalétique permettra très prochainement de découvrir la diversité des espèces présentes sur site. D'autre part, le parcours de promenade a été étiré puisqu'une nouvelle passerelle vient enjamber un bras de l'Indre afin d'offrir l'accès à l'île de la Rémonière, classée Natura 2000.
Une collection d'hortensias a été créée dans le parc. Au fil de la promenade, l'oeil du visiteur est attiré par de nombreux massifs colorés qui viennent habiller ce parc romantique jugé autrefois peu fleuri. Notons que l'hortensia est la première production horticole française, concentrée essentiellement chez nos voisins angevins en Pays de Loire. L'hortensia, arbuste emblématique de l'Anjou, est d'ailleurs à l'honneur dans la ville d'Angers puisque qu'il a été une des productions majeures des pépinières André Leroy au XIXe siècle.
L'Arbre à perruque ( Cotinus coggyria) fait toujours la curiosité des promeneurs... Il en existe deux dans ce parc historique.
Cyprès chauve à gauche et massif d'hortensias à droite.
Des jachères fleuries ont été plantées afin de favoriser la présence d'insectes pollinisateurs. Dans le même état d'esprit, des hôtels à insectes ont été ajoutés au Jardin des Secrets (jardin potager/bouquetier accessible gratuitement en face du château).
Soulignons d'autre part que les méthodes employées par l'équipe des jardiniers visent à soutenir la biodiversité. Le fauchage raisonné et sélectif a permis d'observer le retour en nombre de colonies de Fritillaires pintades, fleurs sauvages rares, emblématiques du Val de Loire et de la Vallée de l'Indre.
Dans le château, une atmosphère restituée...
Autre grande nouveauté, la scénographie a été entièrement repensée et un partenariat stratégique avec le Mobilier National a permis de remeubler les intérieurs afin de reconstituer trois grandes périodes d'habitat : le XVIe siècle pour les appartements privés de Gilles Berthelot, qui a engagé la construction du château, le XVIIe s. pour les appartements du roi fréquentés autrefois par Louis XIII et enfin, le XIXe s., avec les marquis de Biencourt qui ont donné au domaine son aspect final.
Donner l'impression aux visiteurs que les lieux sont encore habités, évoquer les propriétaires d'autrefois à travers des univers restitués, là était l'enjeu. Cela permet de se figurer quel était le mode de vie de ces châtelains disparus selon les époques. Le circuit de visite répond à une présentation chronologique. Il commence par l'escalier d'honneur, construit aux alentours de 1518. Puis se poursuit par la découverte des charpentes, achevées en 1530. De là, on descend au premier étage, aménagé avec du mobilier Renaissance, ce qui permet d'évoquer Gilles Berthelot et son épouse Philippe Lesbahy. Toujours au premier étage, du côté opposé de l'escalier d'honneur, les appartements du roi sont eux aménagés tels qu'au XVIIe s. Puis le circuit s'achève au rez-de-chaussée avec la restitution des intérieurs des marquis de Biencourt, ayant résidé au château dans le seconde moitié du XIXe s.
Comme au temps de François Ier
Le premier étage, dans l'aile ouest, garde son apparence d'origine, comme si l'on vivait au XVIe s. Le mobilier, issu des collections du Mobilier National, permet de retranscrire l'atmosphère des appartements de Gilles Berthelot. Avant cela, vous aurez emprunté l'exceptionnel escalier d'honneur puis parcouru les combles avec une charpente d'origine où logent les Grands Murins, une espèce de chauve-souris protégée. C'est alors que vous pourrez découvrir un intérieur typique de la Renaissance avec son mobilier, ses tapisseries et, chose unique en France, des nattes de jonc tressées aux murs et sols pour restituer un habitat noble du XVIe s.
Les enchantements d'Azay dans les appartements privés et royaux, une invitation à rêver
En complément d'un ameublement complet des salles, une exposition temporaire vient enrichir le parcours de visite. Les artistes plasticiens Piet.s0 et Peter Keene ont été invités par le CMN à créer une installation qui prête à la rêverie, sur le thème de la Renaissance. Un moyen de créer de l'émerveillement, en particulier pour les petits.
Le rez-de-chaussée, ou l'art de vivre au XIXe siècle.
Faire salon chez les Biencourt
Si la lecture d'un roman de la Comédie Humaine ne vous suffit pas à imaginer ce qu'était la vie quotidienne au XIXe s, alors une visite du rez-de-chaussée du château vous permettra d'en avoir une vision plus nette. Grâce à l'étude minutieuse des inventaires et de documents iconographiques, il a été possible d'imaginer l'intérieur des Biencourt. Ainsi, vous pourrez plonger dans l'atmosphère d'un salon de l'époque, admirer des meubles du Second Empire ou de style Louis-Philippe, des portraits peints, des tapis persans anciens ainsi que des textiles restitués au plus proche de la réalité historique. Pour exemple, les rideaux en velours rouge parsemés de fleurs de lys ont été refaits d'après une photographie d'Auguste Boutique et la description d'un catalogue de vente. Ils auront nécessité 66 jours de travail et pèsent 12 kg chacun.
Le Billard, un jeu à la mode au XIXe siècle
Jeu ancien, le billard était à l'origine pratiqué à même le sol, comme un jeu de croquet intérieur. On atteste les premières tables de billard au XVe s. Le cardinal de Richelieu, au XVIIe siècle, aimait particulièrement ce jeu. Le "billard français" tel qu'on le connait aujourd'hui apparaît en 1850, époque à laquelle les marquis de Biencourt vivaient au château d'Azay-le-Rideau. Ce jeu réservé aux personnes aisées, était particulièrement en vogue dans la seconde moitié du XIXe s. L'ancienne salle des gardes du XVIe siècle a donc été transformée en salle de jeu au XIXe s. pour répondre à un nouvel art de vivre.
Le repas se prépare dans la dépense!
La dépense du château, attenante à la grande cuisine du XVIe siècle, a été nouvellement meublé et équipée de la batterie de cuisine estampillée aux armes des Biencourt. Le CMN a fait acquisition de cette collection en 2012 en prévision d'une nouvelle scénographie. Des ustensiles et des aliments (réalisés en résine) ont été disposés de façon à créer une présentation vivante, comme si un repas se préparait au château.
A table avec Monsieur le Marquis
Dans la salle à manger, de nombreuses pièces de mobilier ont été ajoutées de façon à rendre compte de ce que pouvait être un souper dans les années 1850.
L'étude de nombreux documents d'archives liés à la famille des Biencourt a permis de connaître avec précision l'aspect de leurs intérieurs.
Le CMN est même parvenu à acquérir certains des objets de leur quotidien. Rafraîchissoir, table à plateau, buffets à étagères, une nappe et des serviettes de table brodées aux armes de la famille Biencourt, un service complet leur ayant appartenu, tout a été pensé pour que nous ayons le sentiment de passer à table avec Monsieur le Marquis...
Une petite lecture ?
La bibliothèque du château, qui marque la fin du parcours, a été richement meublée. On y trouve un ensemble foisonnant tel qu'on pouvait en voir à l'époque,
constitué de guéridons, tables, bibliothèques, sièges et lutrins, rappelant que cette pièce servait aussi bien à lire, travailler qu'à jouer de la musique.
Un centre d'interprétation, une formidable innovation!
S'il y a bien une chose à ne pas manquer lors de votre visite à Azay-le-Rideau, c'est le centre d'interprétation installé dans le pressoir du château, à côté du restaurant.
L'entrée est discrète alors prenez gare à ne pas la manquer car il serait très dommage de ne pas découvrir cette nouvelle facette du parcours de visite.
C'est un espace qui permet d'introduire ou de clore votre visite de manière ludique et didactique. Une matériauthèque vous permet de découvrir les différents matériaux de construction, parfois très inaccessibles au regard. De nombreux textes, vidéos, images facilitent la compréhension de l'histoire du lieu. Des outils multimédia permettent de découvrir le château d'une manière inédite. Si vous prenez le temps d'explorer la table multimédia interactive, le site n'aura plus de secret pour vous! Et avec la "camera obscura", vous aurez le sentiment de voler comme un oiseau dans les différents espaces du domaine pour mieux voir les détails inaccessibles... une vraie merveille!
Nouvelles illuminations et visites nocturnes
Parmi les nombreux objectifs fixés pour 2017, offrir une vision nocturne du château aussi séduisante que celle de jour.
Le château sera donc entièrement illuminé de nuit, été comme hiver et un accès au site est d'ores et déjà possible lors des soirées estivales.
Voilà un bon moyen de renouveler notre vision du site!
Une signalétique bien pensée
Afin d'accompagner au mieux le visiteur dans sa découverte du site, le CMN a mis en place de nouveaux outils de médiation. La signalétique a été renouvelée et étoffée dans le parc comme à l'intérieur du monument. Le circuit de visite est jalonné de panneaux explicatifs qui permettent une visite libre des plus documentées. Un nouveau document de visite très complet est fourni à l'entrée. D'autre part, le contenu des visites guidées et celui de l'audioguide ont été repensés afin d'offrir une nouvelle lecture du lieu. Une application de visite téléchargeable sur téléphones mobiles dans Google Store permet de découvrir l'architecture extérieure et le parc romantique.
Une nouveauté retient notre attention, quant à l'aménagement du parcours de visite. Les panneaux ont été rédigés en braille afin de permettre une meilleure accessibilité aux personnes atteintes de cécité.
Des maquettes du châteaux sont également mises à disposition du public, ce qui permet aux déficients visuels de profiter au mieux de leur visite.
Une nouvelle librairie-boutique
De nouvelles références ont été entrées en librairie avec notamment le livre intitulé "Le Château d'Azay-le-Rideau", dans la collection "Regards" aux éditions du Patrimoine.
La boutique a été entièrement repensée afin d'être en accord avec l'intérieur du château de par sa décoration. Un large choix de souvenirs et de livres y est proposé afin que le visiteur trouve son plaisir.
On peut saluer à ce propos les efforts de fait par Valérie Blot et son équipe qui ont tout fait pour faire de cet espace un lieu en harmonie avec le château.
Rédaction et photographies : Emilie Boillot,
fondatrice de Touraine Terre d'Histoire.
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